les peintres du 20eme siècle

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Deux regards sur le portrait - page 3


ETUDE DES TABLEAUX

Diego Vélasquez - Portrait du pape Innocent X


Vélasquez - Portrait du pape Innocent X



Huile sur toile
1650
140 cm x 120 cm
Rome - Galerie Doria-Pamphilj
Ce portrait réalisé lors d' un voyage à Rome fut qualifié de trop vrai par le modèle lui même. Peint à la manière des vénitiens en signe d'éloge, il eut un succès retentissant dans toute l'Italie.

Tout comme le cardinal du greco, le pape de Vélasquez est présenté dans son fauteuil, assis, et tant sa position spatiale que les couleurs du tableau semblent exalter la puissance de son rang social.

LE PERSONNAGE
Innocent X a 75 ans, c'est un vieillard tout puissant. Il n'est pas représenté de pied en tête mais semble cependant à distance de celui qu'il regarde.
Ancré à son fauteuil, digne dans sa position de pape, la main droite est nonchalante et la gauche tien sa bulle, sur laquelle la signature de Vélasquez et la date de réalisation apparaissent.

Comme dans le tableau du Greco, l'habit ne dévoile que le visage et les mains mais le personnage parait moins perdu dans cet amas de tissus qui le pare. L'habit suit le mouvement du corps, et les bras émergeant de l'étoffe rouge semblent libres. Il y a même une cohérence entre la teinte de la peau et celle du tissu. Le reflet de celui-ci sur le visage le mêle à l'atmosphère générale, contrairement au tableau du Greco, où le teint blafard du personnage contraste avec le rouge de la robe.
La tête est légèrement penchée en avant, comme pour mettre l'accent sur ce regard pénétrant et scrutateur. Malgré son âge, les traits d'Innocent X sont restés fermes. Le regard soutenu du pape nous invite à pénétrer dans le tableau, impression renforcée par le modelé du visage extrêmement réaliste et expressif.

Le statut social est marqué par la dominante rouge qui évoque la puissance, le luxe et le bien être. Le fauteuil imposant qui relève plus du trône, la beauté de l'étoffe de satin et la souplesse de l'aube pontificale insistent sur l'aisance et le confort. On a ici une impression de chaleur contrairement au Greco qui nous montre un espace défini par un plan sol et un plan mur. Chez Vélasquez l'espace environnant n'est suggéré que par une légère ombre sur le tissus du fond, et par une différence de teinte. Le tissu englobe le tableau et lui donne une unité chaleureuse.
Le dossier du fauteuil plein de dorures encadre réellement le pape qui semble protégé. Il parait baigné dans ce cadre de richesse parfaitement adapté à sa fonction sociale.

LUMIERE, COULEUR, COMPOSITION
Chez le Greco, nous avons vu un jeu de lumière fort en contrastes. Ici, au contraire, l'atmosphère colorée est très nuancée. seule la dentelle blanche rompt avec l' unité environnante. Cette masse se découpe comme une trouée dans le tableau. Malgré l'atmosphère close, la circulation des blancs dans la peinture offre des ouvertures. L'aube pontificale, se continuant en hors champ donne une grande respiration au tableau. Les deux manches blanches tournées vers la droite indiquent une direction prolongée par le papier horizontal, qui pourrait nous inviter à sortir du tableau (contrairement au regard qui nous y fait entrer).

La touche de Vélasquez est fluide. Elle permet au peintre de donner une expression réaliste au modèle. La couleur et la lumière sont extrêmement nuancées. La toile du fond, le fauteuil et l'habit fusionnent. Les transitions se font par passages délicats. Par endroits, on ne distingue même plus le fond de la forme. Vélasquez utilise une gamme de rouges très nuancés.

Pour le fond, un rouge orangé sombre, tirant sur le vermillon, nuancé d'ombres douces modèlent le drapé. Un rouge plus carmin pour le vêtement. La qualité de ce rouge flamboyant et le grand réalisme du satin donnent un aspect séduisant. Suivant bien la posture du corps, le drapé a presque une sensualité charnelle. Avec le traitement du tissus blanc, le contraste des matières est finement rendu. L'impression est à la légèreté.

Le sensuel prend une part importante. A côté de la douceur et de la volupté des étoffes s'oppose la rigidité rectangulaire du fauteuil ; rigidité qui accentue le côté important et grave de l'expression du pape.

CONCLUSION DES ETUDES
A travers ces deux tableaux, nous avons pu voir deux approches opposées du thème du portrait. Pourtant, le but premier semble être le même : représenter le caractère du modèle dans son rôle social. Mais chacun des deux peintres à sa propre optique et son propre enjeu.

Chacun évoque ce qu'il perçoit par un jeu de formes, de couleurs, de composition ou encore de symboles, et porte l'imagination de l'observateur au delà du simple aspect physique du modèle.

Le Greco, privilégiant l'étude psychologique liée à l'interprétation mystique, utilise une expression pleine de contrastes, avec une étonnante exploitation de la couleur et de la lumière. Le thème primordial de cette peinture étant la dualité pour l'esprit.

Vélasquez, à force d'observation ardue et judicieuse ainsi que d'analyse nous présente un portrait au caractère social très marqué, exaltant la puissance du pape et évoquant son caractère naturel en accord avec sa fonction sociale. Tous deux confrontés au problème de l'imitation et de la représentation du caractère, ils offrent chacun une démarche qui leur est spécifique au sein d'un problème esthétique extrêmement large et nous indique que déjà au XVIIeme siècle, il n'y a pas qu'une possibilité de sentir et de retranscrire.

Vélasquez tente de reproduire fidèlement le pape innocent X, comme s'il s'agissait d'un miroir. Il garde ses distances par rapport au sujet. Il peint en fonction d'une demande spécifique qui est celle de la cour. C'est une des raisons pour lesquelles il cherche une grande objectivité.

Le Greco au contraire, s'attache à présenter une impression plus qu'un simple individu. Il s'identifie au modèle, utilise le portrait pour faire passer ses propres messages. Il peint avant tout pour lui, même s'il essaie toujours de se faire accepter du public.

Ces deux points de vue sur le portrait montrent des attitudes clef que l' on retrouve chez de nombreux artistes tout au long de l'histoire de l'art.

Mais le portrait n'est pas que cela. Car non seulement il pose la question de l'art, de la représentation, du beau ; mais nous avons aussi un individu complexe qui en peint un autre.


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