Né en 1965 à Bristol
Nationalité : anglaise
Attaché au courant : Young British Artists
Damien Hirst aborde le thème de la vie et de la mort de manière presque médicale, comme une démonstration par dissection anatomique, et en même temps, de manière plus métaphysique et poétique. Il montre la réalié de la vie et de la mort par la matérialité du corps, sculpté ou réel, d’êtres humains ou d’animaux, avec un semblant vie ou bien mort. Il nous porte à une méditation sur ce thème par les images qu’il évoque et par la poésie des titres qui ajoutent une dimension énigmatique aux œuvres déjà très surpenantes.
Dans The Virgin Mother, 1994, L’artiste présente la sculpture d’une femme enceinte nue, dont la moitié du corps est écorché vif, voire franchement disséquée au niveau du ventre, si bien que l’on peut voir l’enfant qu’elle porte.
Le contraste est violent entre l’image de pureté que l’on attribue à la femme enceinte et cette vision de corps mutilé. Cette image est pleine de paradoxes, comme c’est souvent le cas dans la plupart de ses œuvres. C’est d’ailleurs ce qui fait leur force, mais dérange en même temps.
La femme, donc, a la moitié du corps écorché, image qui évoque les supliciés de pires barbaries, l’horreur, une douleur effroyable (pourtant, la femme ne semble pas souffrir). Et ce ventre ouvert qui dévoile l’enfant porté semble pire que la mutilation du reste du corps, c’est presque un infanticide.
Ce qui semble paradoxal dans cet acte de mutilation du corps de la femme enceinte, c’est qu’en fin de compte, il nous permet de voir la vie. Il nous montre les muscles du bras qui lui permettent de s’animer, il nous montre l’enfant en gestation, plein de vie. Finalement, avec cette atroce mutilation, il nous montre, tout ce qui fait qu’un corps peut bouger, peut s’animer, et mieux que ça, il nous montre le processus de création d’une nouvelle vie, la gestation d’un être en devenir.
Disséquer la femme enceinte semble à la limite du blasphème. L’image du corps de la femme enceinte à quelque chose d’intouchable. Symboliquement, c’est une image de pureté qui ne doit pas être entâchée. D’autant que dans le cas présent, il s’agit d’une mère vierge. Serait-ce une immaculée conception ou bien la vierge Marie ?
Être mère et vierge qui plus est, c’est un double degré de pureté qui devrait la rendre encore plus intouchable. Pourtant, non seulement le corps est malmené, mais en plus, il semble presque être un corps de désir charnel. Symboliquement on oppose souvent la femme mère qui est pure, tout comme la vièrge, à la femme femme, c’est-à-dire séductrice, ayant une sexualité et des désirs considérés comme impurs. Une fois de plus, certains détails ajoutent au sacrilège. En effet, les têtons de cette mère vièrge se dressent, rouges, comme enflamés de désir ; et la peau écorchée au niveau de la cuisse retombe dans un revers qui évoque une cuissarde ou une jartière à l’air catin.
À travers cette mise à mal et cette débauche du corps de la mère, du corps de la vièrge, Damien Hirst nous montre la vie. C’est-à-dire non seulement ce qui fait que notre corps s’anime, qu’il peut bouger et vivre, qu’il peut lui-même générer une autre vie, mais il nous montre aussi la vie par ses désirs, qui peuvent être sexuels et donc à leur tour générer la vie. Après la mécanique, c’est-à-dire le corps, il nous montre aussi les envies, les désirs qui nous servent de moteur pour agir. Il aborde aussi, symboliquement, la dimension spirituelle de l’existance en évoquant, quoique de manière très singulière, la croyance, à travers l’image de la vierge enceinte, comme une procréation divine.