Dans cette scène, tous les personnages représentés sont divins. Seuls les dauphins sont, dans la théorie, des êtres vivants normaux. Pourtant, ici, ce sont les plus proches d'un univers fantastique, et en apparence les moins réels; ils ont un aspect assez plat. Leur représentation pourrait faire penser à celle d'un motif. Les nageoires ont un côté décoratif, et la gueule semble presque monstrueuse ; les dauphins ont un caractère cruel rendu par le détail des dents, et du poulpe que celui du premier plan tient entre ses mâchoires. Peut-être leur représentation est-elle différente (ils marquent aussi la zone la plus sombre de l'image) pour que l'on remarque leur caractère malin du fait qu'ils détournent la néréïde de l'Amour en l'emportant au loin.
Les divinités ont un aspect très humain. Les trois néréïdes ressemblent à des femmes comme les autres. Les cinq Amours se reconnaissent à leurs attributs : une paire d'ailes et des flèches. Les autres divinités sont des êtres hybrides : homme à queue de poisson, homme à pattes de cheval, ailes et queue de poisson, personnage ayant des sortes de plumes le long des cuisses. Les éléments rajoutés sont toujours peints avec le même caractère que la chair. Aussi, ils s'intègrent aux corps. Chaque individu semble avoir son propre caractère. Leurs expressions sont profondément humaines.
La scène est présentée sur l'eau. Le terme sur "l'eau semble" particulièrement approprié puisque celle-ci semble solide. Les personnages sont comme posés sur les flots. Cela est flagrant avec l'Amour qui repose sur la mer et dont le tissu qui l'entoure rappelle le motif du coquillage. On a aussi ce sentiment avec l'homme à queue de poisson, et avec celui au corps de cheval dont les sabots sont posés sur la surface, leur ombre étant portée comme s'il s'agissait d'un sol rigide.
A aucun moment, on n'a l'illusion d'une pénétration dans le liquide. Seul le poulpe dans la gueule du dauphin crée un lien entre les personnages et l'eau. Etant entre les mâchoires de l'animal, il fait partie des vivants. Mais ses tentacules semblent se mêler à l'eau. Cette impression est renforcée par le motif de celles-ci : elles forment de petites vaguelettes. Ce motif est repris de façon atténuée, ponctuellement, sur la surface de la mer pour signifier l'eau. Grâce à ce mode de représentation, Raphaël parvient à nous donner l'illusion d'un espace qui est celui de l'univers marin.
En fait, cette sorte de platitude du décore permet aux figures de se détacher et de prendre toute leur importance. Les corps apparaissent comme sujet principal et le fond reste présent sans être abstrait.